Pour notre émission de ce mois, nous allons parler d’un débat qui secoue (le mot est faible !) le champ politique et universitaire Français : l’Intersectionnalité
Quoi ? Vous n’en avez jamais entendu parler ?
Normal…. Par contre, vous avez sans doute entendu parler de certaines accusations d’islamo-gauchisme porté à l’encontre de chercheurs ou de militants politiques de gauche. Vous avez peut-être aussi entendu parler de réunions non-mixtes, pratiquées par le syndicat étudiant l’UNEF, qui se sont vues accusées de pratiquer une sorte d’apartheid par le camp de la droite
Ce qui se cache derrière tout cela, c’est une nouvelle discipline en sciences sociales, apparue dans les années 90, la fameuse Intersectionnalité. Une discipline qui, comme souvent dans les sciences sociales, est aussi sollicitée dans diverses pratiques militantes. Nous vous la présentons aujourd’hui, profitant pour cela de l’expertise de notre invitée, Martine Jacques, Maitresse de conférence en littérature à l’Université de Bourgogne.
Le débat de fond plutôt que l’écume médiatique, telle est la devise de ce Poker Menteur de la rentrée.
BIBLIOGRAPHIE INTERSECTIONNALITE
PARTIE 1 : BIBLIOGRAPHIE GENERALE
Ouvrages
A. LILTI, L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la Modernité, Paris, Le Seuil, 2021.
S. ROZA, La gauche contre les Lumières ?, Paris, Fayard, 2020.
D. ERIBON, Retour à Reims, Paris, Fayard, 2019.
D. ERIBON, Principes d’une pensée critique, Paris, Fayard, 2016.
J. BUTLER, Défaire le genre, Paris, Amsterdam, 2016.
J. BUTLER, Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, 2006.
O. PETRE-GRENOUILLEAU, Les traites négrières : essai d’histoire globale, Paris, Gallimard Folio, 2006.
A. POLICAR, l’inquiétante familiarité de la race, Paris, Le Bord de l’Eau, 2020
Articles
N. QUEMENER, « Trouble dans l’intersectionnalité : enjeux définitoires et méthodologiques », Observatoire des Politiques culturelles, L’Observatoire, 2020/2 n°65, pp. 42-44.
G. LE DEM, « L’intersectionnalité, enquête sur une notion qui dérange », La Découverte, Revue du Crieur, 2017/2 n°7, pp. 66-81.
S. CHAUVIN/A. JAIMAIT, « L’intersectionnalité contre l’intersection », Presses de sciences Po, Raisons politiques, 2015/2, n°58, pp.54-74.
PARTIE 2 : LIENS ET BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUES
1/ PRESENTATION DE LA DISCIPLINE
Un dossier très complet présentant l’intersectionnalité, par des universitaires intersectionnels :
Vidéo Université de Paris : intersectionnalité, de quoi parle-t-on ?
Sarah Mazouz :
https://www.franceculture.fr/personne/sarah-mazouz
Comprendre les mots de l’intersectionnalité :
Exemples de situations intersectionnelles :
https://www.liberation.fr/debats/2020/10/28/l-intersectionnalite-une-critique-emancipatrice_1803762/
2/ CRITIQUE SCIENTIFIQUE DE LA DISCIPLINE
Alain Policar :
François Rastier : Etude « sexe, race et sciences sociales » :
https://www.mezetulle.fr/sexe-race-et-sciences-sociales-quatre-etudes-de-francois-rastier/
Livre Alain Policar :
« L’inquiétante familiarité de la race » :
Livre de Stéphanie Roza :
« La gauche contre les lumières »
https://www.fayard.fr/documents-temoignages/la-gauche-contre-les-lumieres-9782213713311
Livre de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel sur l’intersectionnalité :
https://agone.org/livres/9782748904505/raceetsciencessociales
Beaud et Noiriel à France Inter :
https://www.franceinter.fr/emissions/le-7-9/le-7-9-04-fevrier-2021
Noiriel à France Culture :
Critique du livre de Beaud et Noiriel :
3/ CRITIQUE DES PRATIQUES DES MILITANTS INTERSECTIONNELS
Dégradation des libertés académiques sur les campus Américains
L’association LGBT ADHEOS saisit le défenseur des droits au sujet d’un ouvrage de Sciences Economiques et Sociales de classe de Première, estimant qu’au chapitre consacré à la notion de déviance (en sociologie), le fait de qualifier les homosexuels de déviant est homophobe. De toute évidence, l’association n’a pas compris que la notion de déviance en sociologie, diffère de l’usage profane à caractère éventuellement péjoratif qui en est fait au « Café du Commerce ».
L’affaire de la représentation des « Suppliantes » d’Eschyle censurée :
Les faits :
Les arguments des militants :
http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface/
La critique de cette censure :
Ajout P. Trouilloud : les arguments rhétoriques
Les mécanismes rhétoriques de disqualification des militants intersectionnels :
On vu tout au long du 20e siècle des mouvements politiques marxistes du 20e siècle qui paralysaient tout débat réel par le moyen d’attaques personnelles : déviation bourgeoise, discours petit-bourgeois, etc.. Le raisonnement de fond était le suivant : toute personne qui critique le camp marxiste est un bourgeois, il est donc par nature coupable, et illégitime à formuler quelque avis que ce soit. Cela disqualifiait automatiquement le discours et il n’était ainsi pas nécessaire de répondre sur le fond.
On retrouve le même type de fonctionnement avec certains (beaucoup !!) militants se réclament de l’I. qui opposent à ceux qui veulent mettre en cause leurs positionnements des accusations fondées sur l’essence supposée des individus : male blanc/féministe blanche, etc.. qui disqualifient leur discours automatiquement et évite ainsi les débats de fond :
Une illustration avec le débat entre R. Diallo et St. Roza organisé par médiapart (à partir de 21.40 mn). R.D. utilise dans un tweet une imagerie raciste (y a bon banania), ce que critique ST. R. Mais R.D. lui dénie toute légitimité à faire cette critique du fait de son statut de femme blanche non racisée.
En rhétorique, il s’agit d’un mélange d’argument d’autorité et d’un procédé qui consiste à disqualifier la critique en raison de la « nature » de la personne qui l’émet. Ça ressemble bien à un procédé totalitaire : empêcher toute possibilité de pluralité d’opinion hors celle émise de l’intérieur (de l’I.) (Erving Goffman, travail sur les Institutions totalitaires : « asiles » 1961)
Derrière la question rhétorique se cache un vaste débat épistémologique :
1/ Les I. se placent en opposition directe à l’idée que « l’objectivité existe en-dehors des points de vue situés » c’est-à-dire qu’on puisse s’extraire de sa position raciale, de genre et de classe même dans un travail de type scientifique. C’est la notion d’épistémologie du point de vue développée par certains I.
2/ Si on ajoute à ça les analyses sur « la blanchité », qui sont historiquement assez pertinentes, d’ailleurs :
« La blanchité est produite comme un statut qui amène à se croire exonéré de la racialisation et fondé à assigner racialement les membres de groupes qui, selon les contextes et les moments historiques, incarnent une altérité radicale. Dans cette logique, Blanchité = universel. Autres = points de vue particuliers »
3/ Le résultat de ces deux points, c’est la critique de « l’universalisme abstrait, issu de cette « blanchité prétendant à l’universel ».
4/ Mais attribuer ces caractéristiques sans distinction à tout travail scientifique, ça revient à leur dénier cet aspect fondamental de cette discipline : la capacité à se mettre à distance de l’objet étudié. Alors, pourquoi pas… La science avance par ce type de remises en cause ; Mais il faut avoir conscience que la charge de la preuve incombe aux I. A eux de prouver ce qu’ils avancent concrètement, par des analyses scientifiques des œuvres critiquées.
4/ DEBAT ISLAMO-GAUCHISME
F. Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, demande une enquête au CNRS sur l’islamo gauchisme à l’université :
Réponse du CNRS à la demande de la ministre de l’enseignement supérieur :
https://www.cnrs.fr/fr/l-islamogauchisme-nest-pas-une-realite-scientifique
Tribune de 5 sociétés savantes et associations de recherche et d’enseignement en sciences sociales après les déclarations de la ministre de l’enseignement supérieur et celles du ministre de l’éducation à l’automne 2020 :
Tribune de 2 000 chercheurs :
http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8815
Eléments de débat sur la question :
Accusations d’islamo-gauchisme à droite :
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/universites-l-islamogauchisme-une-realite-depuis-20-ans-20210218
Tribune d’Alain Policar, Politologue, et Alain Renaud, Philosophe :
https://www.liberation.fr/debats/2020/11/04/islamisme-ou-est-le-deni-des-universitaires_1804439/
L’invention de l’islamo-gauchisme :
5/ UN POINT SUR LA NOTION DE RACE EN SCIENCE
https://fr.wikipedia.org/wiki/Race_humaine#Précision,_refus_et_abandon_de_la_notion_de_race
6/ L’INTERSECTIONNALITE A GAUCHE (Le Parti de Gauche/La France Insoumise)
Voir le témoignage de Tatiana Ventose, militante engagée au plus haut niveau à LFI entre 2012 et 2015 :
(9.40 à 15.40 : arrivée des « identitaires, racialistes… » du discours militant I. et progression de ce mouvement à l’intérieur de la gauche radicale ; 16.52-17.25 ; 18.45 – 19.35)