Une conversation téléphonique avec un ancien élève

Le Coach T. vous relate un échange avec un ancien élève où les points de vue divergent nettement.

Ce vendredi après-midi, j’ai reçu un message téléphonique, que j’ai pu consulter en fin de journée. Il s’agissait d’un ancien élève, que j’avais eu en première il y a deux ans, et qui a donc eu son baccalauréat en juin 2022. Je l’appellerai Boris, histoire de préserver son anonymat.

Il se proposait de venir témoigner à nos élèves de son choix professionnel inhabituel. J’ai donc écouté son aventure (récente). J’avais souvenir que Boris était un jeune homme entreprenant. Dès l’année de première, je l’avais mis en contact avec Sylvie Rosier, qui fait les journaux quotidiens sur Radio Calade et il avait témoigné de son travail d’accompagnement d’un ou deux commerces sur Villefranche dans le développement de leur présence sur les réseaux sociaux. Donc, un vrai esprit entrepreneurial, et la compréhension précoce que médiatiser son travail était un vecteur efficace de développement commercial

Il m’a donc expliqué qu’il avait fait le choix de ne pas faire d’études postbac. Il a monté, sous statut auto-entrepreneur, une activité de service d’entretien-nettoyage pour des entreprises et pour particuliers. Il m’a expliqué que son but était de gagner tout de suite de l’argent tout en ne faisant pas beaucoup d’heures (il m’a affirmé gagner 3 000 € par mois, en faisant 15 heures par semaine). Il m’a indiqué que tant les études que le travail salarié routinier ne l’attiraient pas du tout et qu’il avait eu envie de vivre autre chose.

J’ai donc dû répondre à sa demande de venir présenter son expérience au CSND devant les élèves de la filière STMG, où je donne des cours de Sciences de Gestion.

Je lui ai répondu que je refusais de le présenter, car j’estimais qu’il constituait le contre-exemple à ne surtout pas suivre pour les élèves de STMG….

Evidemment, ma réponse l’a choqué. Il m’a reproché mon côté « rentre-dedans » (Ce à quoi je lui ai répondu qu’il devait remonter dans ses souvenirs de mes cours, car c’est plutôt mon style habituel la plupart du temps avec mes élèves et étudiants).

Mais nous avons continué à discuter sur le fond. De toute évidence (mais j’avais déjà compris cela le concernant), Boris est un jeune homme brillant, doté d’un vrai potentiel. La façon dont il a longuement argumenté avec moi, sans perdre ses moyens malgré mes critiques directes (et il ne s’y attendait absolument pas) confirment son potentiel impressionnant. Ce qui ne fait que renforcer ma frustration de le voir faire ce choix.

Pour synthétiser, son argumentaire fut développé en deux temps : le premier temps pour fustiger l’éducation nationale qui nous formeraient pour devenir des salariés alors que d’autres choix sont possibles. S’il y a une part de vérité là-dedans, je lui ai rappelé que la filière STMG au CSND était (pour ce qui est des prof des matières technologiques) composée uniquement d’anciens professionnel-les du monde de l’entreprise, et que certain-e-s avaient eu des expérience de création d’entreprise. (Si j’ajoute les formateurs de la Business School du Martelet, les créateurs d’entreprises et entrepreneurs indépendants sont très nombreux(ses) et souvent encore en activité en parallèle de leurs cours). Son reproche était donc peu pertinent pour ce qui le concernait (en tant qu’ancien élève du CSND) personnellement.

Le deuxième temps fut, après qu’il eut écouté mes arguments, de conclure que finalement, mon but était de pousser les élèves à avoir des diplômes. Ce à quoi je lui ai répondu qu’il n’était pas indispensable que les diplômes en question correspondent à des « hautes qualifications » comme il le disait : je lui ai cité les cas nombreux d’étudiants arrêtant leurs études après un BTS au Martelet et qui trouvaient sans aucun problème un boulot intéressant (ils s’arrêtent le plus souvent parce qu’ils ont envie de bosser dans le domaine où ils ont été formés).

Mais surtout, je lui ai expliqué que les diplômes n’étaient en rien une fin, mais un moyen. Un moyen pour développer son projet personnel quel qu’il soit avec des chances de réussite infiniment plus importantes que si ce projet était développé avec un simple niveau bac.

Ce projet peut tout à fait être celui de gagner de l’argent sans trop travailler. J’ai évoqué un neveu qui, après un BTS d’économiste de la construction (ou un assez proche, je ne sais plus), a travaillé deux ans, le temps de réunir un peu d’argent (et le temps que sa petite amie finisse son master) avant de partir pendant deux ans visiter le vaste monde.

Il aurait pu rester en Malaisie, il avait passé un diplôme de moniteur de plongée. Et avec son look de beau gosse aux cheveux longs, son succès professionnel était garanti. Mais il a choisi de revenir. Il a travaillé dans divers domaines (à chaque fois en trouvant du boulot sans aucun problème, son diplôme étant un véritable « sésame » pour ouvrir les portes des entreprises). Je me souviens de conversations avec lui à ce moment où il se posait justement la question : est-ce que je veux « faire carrière » ou gagner tranquillement ma vie en ne faisant pas trop d’heures ?

Il a fini par se lancer dans la voie de (en gros) chargé de projets de Développement Durable (d’abord pour des municipalités, puis maintenant pour une grosse association d’utilité publique). Il gagne bien sa vie, fait un boulot qui le passionne, et ne se tue pas au travail.

Et il sait que s’il veut « faire carrière », il lui suffit de postuler dans des entreprises privées (son profil est très recherché) : il gagnera bien plus, mais fera bien plus d’heures…

 Bref… Boris et moi avons clos notre échange de façon cordiale. Mais je reste persuadé qu’il n’est pas un exemple à suivre. Il est tellement brillant qu’il retombera sur ses pieds quand il le voudra. Ce qui ne serait pas obligatoirement le cas de tout le monde. Mais il y a mieux à faire que faire du nettoyage quand on a l’opportunité de se former.

Bon vent à toi, Boris, j’admire ta volonté et ton indépendance d’esprit. Mais que l’on veuille trouver un job intéressant, monter sa boite, ou bien faire le moins d’heures possibles, on peut le faire dans des conditions bien meilleures qu’en se lançant après le bac sans aucunes compétences réelles.

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