Coach T. va au ciné : the creator vs le règne animal

Le Prof Patrick est en vacances. Il laisse la place au Coach T. qui a été au cinéma et a envie d'en parler.

Bande-annonce the creator :

The Creator est un film réalisé par Gareth Edwards. Il est en train de se planter au box office Américain (et probablement aussi mondial) et ça désole un certain nombre de cinéphiles dont je respecte les analyses et les avis. Certes, disent-ils, ce film n’est pas parfait, mais face au désastre que sont devenus le D.C. Universe, le Marvel Cinematic Universe et les productions Star Wars de l’empire Disney (les trois monstres qui ont fait du film de Super Heros la formule écrase-tout du blockbuster moderne), ce film constituait presque un acte de résistance désespéré. Il fallait donc le défendre : je suis allé le voir

Gareth Edwards est un réalisateur intéressant. Deux films en attestent : il a réalisé Rogue One, le dernier film Star Wars de qualité à ce jour, et il s’était fait connaitre en réalisant pour 500 000 dollars seulement ( !!!!!) le génial « monsters » que je recommande à tout le monde, une merveille de film de science-fiction en mode road movie fauché avec des vrais extra-terrestres dedans.

Hollywood adore prendre des réalisateurs de talent et leur faire réaliser des blockbusters dont ils sortent généralement castrés et dépressifs…

Alors, qu’en est-il de « the creator » ?

Commençons par le positif :

Vous voulez voir des décors de qualité, la création d’un univers crédible visuellement, des effets spéciaux très honorables ? On a tout ça.

Vous voulez voir enfin un blockbuster qui OSE montrer les Etats Unis en général et plus particulièrement l’armée Américaine comme ce qu’elle est souvent :  une armée qui attaque d’autres pays, tue des civils, avec des références plus qu’évidentes à la guerre du Vietnam, sans parler de l’Irak des années 2000 ? On a tout ça (Et c’est peut-être une des raisons principales de l’échec du film aux Etats-Unis)

Voilà voilà… J’ai fait mon maximum pour en dire du bien…

Parce qu’à coté….

Mon dieu que ce film est con et caricatural !!!

Rien ne va dans l’histoire. On nous pose au début la thématique : les humains contre les Intelligences Artificielles. Et on va comprendre assez vite que visiblement, ils n’ont jamais vu Terminator 2, qui, il y a 35 ans déjà, nous expliquait qu’une I.A. serait présente sur l’ensemble du réseau Internet et en aucun cas individualisée dans chaque petit robot-humain.

Alors, il aurait mieux valu se placer dans une autre référence historique tout aussi respectable : celle d’Isaac Asimov et son œuvre référence sur les robots.

Bon… Ok. Oublions l’IA et traduisons dans notre petite tête « robots/Nouvelle espèce d’êtres vivants ».  Si on accepte ce postulat sans perdre de temps, on frétille, car il y a matière à faire des œuvres très fortes, vertigineuses, même, sur la question de la conscience de ces « nouveaux êtres vivants ». Regardez les deux premières saisons de Westworld si vous voulez une illustration top niveau de cette thématique.

Mais côté « the creator », oubliez, ce sujet ne sera même pas effleuré. Le film atteint le maximum qu’il puisse donner en termes de subtilité dialectique dans le simple retournement (qu’on comprend extrêmement vite) :

« Bon sang !! Les gentils sont les méchants (les Ricains) !!! Et les méchants sont les gentils (les asiatiques et les robots) !!! » Du Shakespeare, vous dis-je…

Pour le dire rapidement, tout est niais et cousu de fil blanc dans l’histoire. On a l’impression de connaitre le scénario et chaque scène à l’avance, comme si on était un voyant ou un medium génial. Mais non… C’est juste que le scénario est un ramassis de lieux communs…

Et bien sûr, la fille qui est l’œuvre finale du génial programmeur ayant donné vie aux robots sera au centre d’une construction « tire-larmes » via sa relation en mode « papa-fifille » avec le héros (un Américain, bien sûr, mais un black, ils ont fait un effort coté politiquement correct)

Et des lieux communs, des stupidités, énormités, facilités à deux balles, qui ne cessent de se succéder. Des exemples en vrac :

Les robots ont bien sûr repris certaines religions humaines (le bouddhisme notamment, puisque ça se passe en Asie du Sud apparemment), et ils adorent leur fameux créateur…. Cons comme des humains, voilà qui nous rassure !!

Quand le héros veut reprendre fifille qui est dans les bras d’un robot (pas vraiment méchant) qui dort – oui messieurs-dames, les robots DORMENT !!!!! Ils ont besoin de DORMIR comme des crétins d’humains !!!!!!!! Faut-il qu’elle soit conne à bouffer du foin, leur créatrice (je spoile) pour avoir programmé le besoin de DORMIR !!!! Ben oui, perdre 7 heures par jour pour rien, pourquoi pas ???

Donc, disais-je, quand le héros veut reprendre fifille sans tuer le robot pas vraiment méchant, il lui suffit de passer la main derrière la tête du robot et….Clic, il a éteint le robot ! Vous comprenez ? La créatrice a prévu un bouton on-off derrière la tête !!! Comme c’est pratique… Et intelligent…

Quand le héros et fifille se font courser par les méchants en voiture, leur voiture se castagnent dans un tunnel. Ils sortent et se sauvent à pied. Les méchants sont à l’entrée du tunnel, genre 300 m de distance. Alors là, tenez vous bien, car on sort la baguette magique de Harry Potter : abracadabra !! Le héros et fifille se retrouvent dans l’aéroport !! Comme ça !!!

Puis à nouveau abracadabra, car les méchants militaires sont à leur trousse pas loin, le héros et fifille sont dans la navette qui part pour la lune !! Et ça prend aussi peu de temps que vous en avez mis pour lire ces lignes !!!!

Merci Harry Potter !!!

Comme tous les blockbusters, ce film est lui aussi trop long. Bien que ça castagne fort sur la fin, je me demandais « mais jamais ça va finir, ce truc ? ».

En tout cas, on a droit, comme attendu, à la scène tire-larmes « papa-fifille », à la réunion juste avant que ça pète « héros-chérie/maman/créatrice ».

Du Shakespeare, vous disais-je…

Mais désolé, bien que je sois très sensible à la thématique « papa-fifille » mes yeux sont restés secs comme si j’avais traversé le désert du Sahara sans une goutte d’eau et sans chapeau…

Conclusion : si c’est ce film qu’il faut sauver, alors, tant pis, je ne porterai pas le deuil de son échec annoncé. C’est une merde hollywoodienne de plus, qui a la seule qualité de ne pas être une franchise et d’avoir un visuel potable.

Mais… Et « le règne animal », alors ? Pourquoi l’ai-je mis dans le titre ?

Et bien… Il faut bien le reconnaitre, et l’effondrement de la qualité des blockbusters Marvel/DC/Disney nous aide franchement dans cette prise de conscience, nous, adultes/jeunes adultes/ado faisons l’objet de la part de ces gens-là (appelons les « Hollywood ») d’une vaste et méthodique entreprise de crétinisation.

On ne peut plus regarder ailleurs et se voiler la face : ces gens-là ont un agenda : faire de nous un rassemblement immense d’abrutis profonds, de crétins incapables d’avaler autre chose (cinématographiquement parlant) que des histoires pour des gamins de 8 ans d’âge mental, avec des gentils bien caricaturaux d’un côté, des vrais méchants de l’autre, et une dialectique parfois bien perverse :

Regardez Thanos : il a de bonnes intentions : sauver l’univers ! Entendez par là :  sauver la planète de la surpopulation. Car, c’est bien connu, le problème, c’est la surpopulation, pas les destructions de notre système économique…. Mais ses méthodes sont trop radicales !! Donc, on le combat, on le détruit…. Et c’est fini !!! Euh… Et la planète, on la sauve pas ? Oh, fais pas chier, écologiste de merde !!!

Et on avale ces débilités à longueur de blockbusters. Ne nous cachons pas la réalité : c’est un travail efficace : ça nous rend vraiment con, petit à petit, lentement, mais surement. Ça rogne nos dispositions à aller voir la complexité du monde, à accepter la frustration d’un monde où les problèmes ne se résolvent pas en 2 h 30, ou 100 fois sur le métier il faut remettre son ouvrage, où on ne peut pas déléguer à des supposés « super héros » la lourde tâche de sauver le monde pendant qu’on sirote notre Coca

Comme internet et les réseaux sociaux font de leur coté un boulot tout aussi efficace de crétinisation des populations, les effets de synergie ( !!) sont plutôt réussis : nous devenons cons comme des Américains.

Mais alors, et « le règne animal » ???

Et bien, c’est un film français, réalisé par Thomas Caillet, qui rencontre en France un succès impressionnant. Par le bouche à oreille. Parce que c’est une Œuvre cinématographique majeure de cette année.

Evidemment, je dis ça et 70 % des spectateurs lambda partent en courant…. « Œuvre cinématographique », ça doit être chiant, forcément…

Personnellement, j’ai pas trouvé ça chiant, et les 500 000 personnes qui ont été le voir (et c’est pas fini) non plus.

Pourtant, le public habituel des films français (plutôt rationnel, les films de créatures qui se transforment, c’est pas sérieux, ça m’intéresse pas…) n’était pas acquis…

C’est donc l’histoire d’une transformation soudaine dans notre France à nous d’aujourd’hui d’une partie de la population en animaux. Pourquoi ? On ne sait pas. Virus, malédiction… On s’en fout, ce n’est pas ça l’important.

L’important, c’est… plein de choses : comment notre société gère le problème : avec rationalité et humanité. Oui. Des médecins, des centres de traitement. On fait ce qu’on peut. Comme à chaque fois. Et puis, quand les autorités médicales sont débordées, la police, puis l’armée interviennent. Pas le choix, comment faire autrement ? On serait à la place des politiques en place qu’on ne ferait pas autrement.

Mais alors… C’est un film réaliste ?

Ben oui. C’est ça le truc : un thème fantastique/SF traité de façon réaliste. On s’y voit tellement ils sont dans notre quotidien à nous.

Et donc, de façon très concrète, on voit les réactions des humains. Qui commencent à être inquiets. Et vu les « bestioles » (qui se sont échappées !!!), on les comprend !!! Car les ex-humains désormais « bestioles » peuvent être violentes. Leur part d’humanité semble avoir bien disparu.

Certains critiques ont pu reprocher le manque d’empathie du réalisateur vis-à-vis des humains transformés. Erreur ? Je ne pense pas. Je pense que c’était voulu. Comment exprimer de l’empathie face à de telles transformations ?

Car elles ne rigolent pas, les transformations. C’est terrible, douloureux, les humains sont peu à peu horriblement défigurés, déformés. Et à la fin, ils/elles attaquent leurs proches, ils ne peuvent plus parler. On ne sait plus s’il reste de l’humain dans leur cerveau.

Alors, c’est humain, justement. On a tellement peur… On va donc se les faire, les bestioles, les castagner. Inévitable nature humaine.

Empathie ? On fait ce qu’on peut, mon gars, on n’est pas parfaits….

Film fantastique/réaliste, je vous dis.

Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans le parcours de ce duo père/fils pour retrouver leur épouse/mère. La scène incroyable de la voiture qui roule sur la musique de Pierre Bachelet avec le fils qui crie par la fenêtre « maman » !!!!

Mais surtout… Il y en a qui n’ont pas de bol dans la vie. C’est le cas du fils. Car il s’aperçoit qu’il a commencé à se transformer.

Et c’est lui qu’on va suivre alors. Longuement et lentement, car la transformation ne se fait pas rapidement. Et on va voir, bien avant ses transformations corporelles, la transformation progressive de son esprit, la façon de se mouvoir qui se transforme, son rapport à son environnement, sa conscience peu à peu que c’est la forêt le lieu de sa liberté désormais.

Et tout ça très progressivement…

Et tout ça, si on se met à sa place, on est vite terrifiés. Mais il faut bien l’accepter. C’est ce qu’il va faire, c’est ce que son père va faire. Accepter cette évolution, sans retour en arrière possible.

On est tous-toutes à minima des enfants qui avons dit au revoir à nos parents, à notre jeunesse/enfance, parfois sans retour. Et beaucoup d’entre nous sont des parents, pour qui nos enfants feront de même. Ce film s’adresse à nous tous/toutes.

Si vous voulez être bouleversés, vous le serez à la fin de ce film, pas à la fin de « the creator ». Et ce bouleversement, c’est l’adulte en vous qui le vivra, pas le résidu de pré-ado atrophié dans un coin de votre cerveau.

Morale de l’histoire :

Résistons : boycottons les blockbusters qui nous abrutissent. Allons voir et revoir « le règne animal ». Il passe encore aux 400 Coups. Foncez.

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