L’extrême-droite, c’est quoi le problème ?

L’élection qui aura lieu fin juin et le 07 juillet en France, où l’extrême-droite a une chance « historique » de parvenir à obtenir la majorité et de gouverner le pays, représente pour la France un « enjeu de civilisation » L’occasion pour le Coach T. de présenter sa vision du problème posé par l’extrême-droite

En fait, je ne pars pas de zéro. Mon alter-ego le Prof Patrick avait déjà commencé la réflexion dans l’entre-deux tours de la Présidentielle de 2022 avec une chronique radio “c’est quoi l’extrême-droite ?” Je me suis donc contenté de reprendre les fils tirés par le Prof Patrick et de les développer. La particularité de cette approche, c’est qu’elle se fonde sur une analyse anthropologique du fonctionnement des groupes humains. Bref, on remonte aux tréfonds de l’histoire de l’espèce humaine pour montrer quels mécanismes très profonds constituent les ressorts du fonctionnement de l’extrême-droite.

1/ Les êtres humains sont des êtres sociaux

La faiblesse de constitution physique des êtres humains rend impossible leur survie et leur perpétuation en tant qu’individus isolés. Comme tous les primates, ils n’ont dû leur survie qu’à leur regroupement.

Ce qui implique de créer et de respecter des règles de fonctionnement en groupe.

Parmi les règles principales qui régissent la vie en groupe, on a les suivantes :

1/ L’altruisme de parenté : il est plus fort chez les humains que chez les primates. Il consiste à développer un comportement altruiste avec tous les membres de la parentèle (définition variable en taille selon les contextes)

2/ La concurrence inter-groupes : elle est fondée d’abord sur la nécessité vitale pour la survie de savoir se défendre face à la menace éventuelle d’autres groupes, et sur la tendance très forte des humains à vouloir augmenter leur territoire.  D’autre part, elle a une fonction complémentaire importante : elle soude les membres du groupe entre eux.

On peut ajouter à ces mécanismes celui du bouc émissaire, développé par René Girard, Durkheim, CG Jung, et d’autres : il s’agit de la projection sur une personne ou un groupe de caractéristiques négatives, ou d’accusations diverses, dans le but de décharger les tensions, frustrations et responsabilités négatives du groupe, grâce à un « coupable idéal ». Ce mécanisme permet de canaliser l’agressivité et de renforcer la cohésion du groupe en se trouvant un ennemi commun à blâmer pour les problèmes ou les crises. On retrouve dans les rituels sacrificiels la figure du bouc émissaire sacrifié par garantir la paix, le bien-être du groupe.

Pour autant, l’histoire de l’évolution de l’espèce humaine est d’abord fondée sur l’évolution culturelle collective (Joseph Henrich). Cette évolution s’est faite par enrichissements lents, mais continus, par échanges, par imitation, par transmission d’informations, de pratiques, entre groupes différents. C’est un facteur de survie fondamental. Un groupe isolé ne peut se développer, voire survivre.

Sources :

https://www.rene-girard.fr/57_p_44429/le-bouc-emissaire.html

2/ Les sociétés humaines se sont peu à peu hiérarchisées et structurées sur un mode autoritaire et inégalitaire

Il était communément accepté que l’apparition de l’agriculture avait permis de sédentariser les êtres humains, ce qui avait augmenté la taille moyenne des groupes humains, et généré l’apparition de formes d’autorité supérieures, de type Etatique, inévitablement inégalitaire et autoritaire.

Les avancées de l’anthropologie et de l’archéologie ont montré que ce descriptif était très simplificateur : il a existé des sociétés avec des groupes de taille importantes (des villes de plusieurs milliers d’habitants) fonctionnant sur des principes égalitaires et sur des hiérarchies très souples et non autoritaires (Graeber et Wengrow). On en trouve trace il y a des milliers d’années, et les dernières datent du 15e au 17e siècle.

Pour autant, le système politico-économique qu’on dénomme le capitalisme, fondé sur l’économie de marché, s’est peu à peu imposé dans le monde entier. Il a été fondé d’abord sur la violence et l’agression (Graeber, Dettes, 5 000 ans d’histoire) et dans un premier temps sur un système de type Etatique inégalitaire et autoritaire.

Sources :

https://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Au_commencement_%C3%A9tait-672-1-1-0-1.html

https://www.actes-sud.fr/dette-5-000-ans-dhistoire

3/ Renaissance, démocratie et Etat de Droit

Pourtant, à partir du 16e siècle environ, une révolution « culturelle » apparait, qui va profondément transformer les sociétés occidentales : la Renaissance.

Un renouveau intellectuel et culturel se manifeste alors en Europe, fondé sur la redécouverte des textes classiques grecs et romains. Un mouvement intellectuel apparait, qu’on dénommera l’humanisme : il met l’accent sur la valeur de l’individu et la rationalité humaine (Erasme, Thomas More).

Puis c’est la notion de démocratie, déjà explorée durant l’antiquité, qui va revenir au centre des réflexions des intellectuels. Les premières applications concrètes d’un système de gouvernement républicain se feront dans certaines cités-États italiennes, comme Florence sous la République florentine : le pouvoir y est partagé entre différents groupes sociaux.

Des auteurs comme John Locke (Philosophe anglais, auteur de “Deux Traités sur le gouvernement civil” (1690), où il développe l’idée de gouvernement basé sur le consentement des gouvernés et la protection des droits naturels), Montesquieu (Philosophe français, auteur de “De l’esprit des lois” (1748), où il propose la séparation des pouvoirs comme fondement de la démocratie), ou Jean-Jacques Rousseau (Philosophe genevois, auteur du “Contrat social” (1762), où il théorise la souveraineté populaire et la volonté générale comme base du gouvernement démocratique), approfondissent la réflexion

Les Etats occidentaux qui émergent à partir du 19e siècle vont peu à peu adopter ces principes démocratiques. La démocratie devient le modèle politique de référence. L’ancien système, symbolisé par la royauté, recule et/ou disparait dans la plupart des pays.

Vient alors la notion d’Etat de droit : l’idée qu’en démocratie, les droits fondamentaux des citoyens sont fixés dans un document appelé la Constitution, et que ces droits s’imposent donc au politique, et qu’un certain nombre d’institutions sont présentes pour faire respecter ces droits

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Renaissance

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ralisme_politique

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie

4/ Apparition de l’extrême-droite

Le Politologue René Rémond va définir les trois courants qui ont structuré la droite française au sortir de la Révolution Française : Elle est composée des Légitimistes (partisans de la monarchie absolue, opposé à toutes les idées de la Renaissance et à la modernité en général), les Orléanistes, plus ouverts au libéralisme économique et à la notion de progrès, et les Bonapartistes, qui voient la solution dans une autorité charismatique, la souveraineté populaire, et la modernité par la centralisation du pouvoir.

C’est au 19e siècle que la dénomination « extrême-droite » nait. Ce courant prend d’abord ses origines dans le courant Légitimiste, qui rejette la démocratie et la république. Il va s’enrichir de la montée au 19e siècle des idées nationalistes et prendra quelques éléments au Bonapartisme : culte du chef et nationalisme.

On trouve les traces de la philosophie de l’extrême-droite dans le mouvement royaliste de Charles Maurras fin 19e, fondé sur le refus du régime républicain et sur une posture nationaliste ; son idéologie est antiparlementaire, anti-démocratique, et anti-libérale. Elle pose les bases de nombreuses idées qui seront reprises plus tard par l’extrême-droite.

Si les mouvements d’extrême-droite ultérieurs vont cesser de se revendiquer de la royauté, ils vont garder comme socles toutes les idées et valeurs anti-républicaines. Ainsi, pour le fascisme de Mussolini, on retrouve l’autoritarisme et un nationalisme extrême, ainsi que le rejet de la démocratie libérale et du parlementarisme. Des aspects de l’ordre et de la hiérarchie sociale caractéristiques des anciens régimes sont également repris par son mouvement.

Le nazisme Allemand va partager avec ces mouvements l’aversion pour la démocratie et un nationaliste radical et autoritaire.

Cette dimension nationaliste et souvent opposé aux principes républicains vont se retrouver dans les mouvements d’extrême-droite après-guerre.

Mais une dimension importante, peut-être la plus importante de toutes, s’ajoutent à tout ce qu’on vient d’évoquer : la dimension raciste.

Le cas emblématique de l’affaire Dreyfus : L’affaire Dreyfus démarre et coupe la France en deux. Pour faire court, le capitaine Dreyfus est victime d’un complot (oui oui !!!) pour le faire accuser d’espionnage et ainsi détourner l’attention sur lui plutôt que sur le vrai espion, le colonel Esterazy. L’avantage, c’est qu’il est juif et que l’antisémitisme est au plus haut en France à cette époque. Les mécanismes que J.H. évoque dans son livre (concurrence inter-groupe, bouc émissaire) jouent à fond. Le juif est pour une large fraction des Français l’Etranger, il cristallise la défiance et le rejet.

Nationalisme et antisémitisme sont les deux forces principales à l’œuvre derrière le déchainement de l’antidreyfusisme

On retrouvera bien sûr l’antisémitisme comme fondement principal de l’idéologie de l’Allemagne nazie.

Plus globalement, le racisme, qui est au fondement de la pensée de l’extrême-droite, est bien sûr lui aussi issu tant de la concurrence inter-groupe que du mécanisme du bouc émissaire. Il va se fonder jusqu’à l’après 2e Guerre Mondiale sur la croyance en l’existence de races humaines et en leur inégalité ; depuis les années 70, les extrême-droite « présentables » se sont donc rabattues sur un discours : la nécessité de ne pas mélanger les groupes, sociétés, ethnies…

Le problème est que, encore une fois, la science n’a cessé de prouver l’inverse : le progrès des sociétés humaines ne peut se faire sans interactions, échanges (de l’économie classique d’Adam Smith/Ricardo à l’anthropologie de Marcel Mauss ou Levi-Strauss en passant par l’Histoire avec Fernand Braudel ou la sociologie avec Durkheim et J. Simmel)

Sources :

René Rémond :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Droites_en_France

Nicolas Lebourg :

https://www.seuil.com/ouvrage/les-droites-extremes-en-europe-jean-yves-camus/9782021090864

Michel Winnock : https://www.editionspoints.com/ouvrage/nationalisme-antisemitisme-et-fascisme-en-france-michel-winock/9782757843079

5/ Les fondements anthropologiques de l’extrême-droite

Derrière la description qu’on vient de faire, on retrouve les règles de vie en groupe qu’on a décrit précédemment :

Altruisme de parenté : accent mis sur l’intérêt d’un groupe restreint (Identifié à des notions floues ou fantasmées « français de souche »… )

Concurrence inter-groupe : mise en avant d’une atmosphère permanente de menace sur le groupe (pays, organisations, entreprises, tout peut servir de cible identifiée comme menace)

Mécanisme du bouc émissaire : identification d’une menace intérieure au groupe : les juifs, le musulmans, les populations africaines, mais aussi les homosexuels, les lesbiennes, les féministes, les trans, les écologistes…. La liste est potentiellement immense.

A ces fondements, il faut ajouter une autre caractéristique : la fragilité permanente face aux difficultés, dangers, que rencontrent les sociétés et les groupes : ce qui caractérise l’extrême-droite, c’est que les analyses de ces dangers et difficultés seront toujours biaisées par les mécanismes ci-dessus. Il en résulte alors une reconstruction explicative qui n’a pas pour but de retranscrire la réalité, mais comme toujours de rassurer un groupe « aux abois ». Tous les mécanismes des biais psychologiques fonctionnent à plein pour construire des « réalités alternatives » Il en résulte :

  • Une vision de la situation du pays systématiquement catastrophiste, d’un pays perçu comme en permanence au bord du gouffre :

« Dans le carré diabolique de la destruction de la France menée par des politiciens de l’Établissement, après l’extinction biologique (la dénatalité française), la submersion migratoire (l’immigration de peuplement), la disparition de la Nation (l’euromondialisme), le quatrième côté est celui du génocide culturel » Programme FN 2002

  • Des notions comme le « grand remplacement » (scientifiquement complètement délirante), la critique d’une « théorie du genre » (qui n’existe pas), la menace du « wokisme » (notion non définie, creuset sans fond de toutes les crispations), autrefois le « complot judéo-bolchévique », etc…
  • Des faux qui circulent depuis des décennies (le protocole des sages de Sion), les écrits négationnistes de Faurisson… 
  • Le succès de nombreuses théories du complot (anti-vax…)
  • La réinvention permanente d’un passé idéalisé et largement imaginaire

De façon peu étonnante, c’est donc justement une des innovations sociétales les plus radicales de l’histoire humaine, l’idée démocratique, qui ne passe pas coté extrême-droite. Car elle va le plus à l’encontre des mécanismes anthropologiques les plus anciens et profonds qui fondent la stabilisation des groupes humains. Il s’agit avec la démocratie de remettre en cause le fait que les sociétés humaines sont d’abord fondées sur des mécanismes de domination

Sources :

Biais cognitifs :

https://usbeketrica.com/fr/article/on-ne-peut-pas-laisser-s-installer-des-recits-pourris?fbclid=IwAR1mDZQ3uKB8rSk6Cx1wnZ3dOOaXbl77ma38yH3aIArp6Hjbd6K1YvQIgxw

https://www.cerveauetpsycho.fr/theme/theories-du-complot/pourquoi-les-faits-ne-suffisent-pas-a-convaincre-les-gens-qu-ils-ont-tort-12504.php

https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/01/20/seize-biais-qui-empechent-de-se-connaitre-et-de-faire-les-bons-choix_5411906_4401467.html

Le « Grand Remplacement » :

https://lcp.fr/programmes/le-grand-remplacement-histoire-d-une-idee-mortifere-107146

Bernard Lahire

https://www.editionsladecouverte.fr/les_structures_fondamentales_des_societes_humaines-9782348077616

6/ Conséquences : ce que propose vraiment l’extrême-droite

Au-delà du détail des mesures proposées par les extrêmes-droites, voici ce qui va caractériser leurs propositions politiques :

L’omniprésence de mesures défensives de court terme qui n’interrogent jamais les conséquences structurelles de ces mesures

Un éventail de mesures destinées à revenir sur les fondements du système démocratique et de l’Etat de Droit :

A/ Système Judiciaire Indépendant

Réformes visant à réduire l’indépendance des juges, à augmenter le contrôle exécutif sur le pouvoir judiciaire, à modifier les processus de nomination des juges pour favoriser des candidats alignés politiquement, afin d’affaiblir l’autonomie du judiciaire.

Propositions pour réduire les pouvoirs du Conseil Constitutionnel, ou pour modifier le mode de nomination de ses membres

Propositions pour réduire la prédominance de la CJUE sur le droit national et de pouvoir déroger à certaines décisions

Sources :

Virginie Wolfs. “Le Front national et les institutions : une stratégie de défiance.” Revue Française de Science Politique, vol. 67, no. 3, 2017, pp. 443-463.

Le Figaro, 12/03/2022 : “Marine Le Pen : ‘Je ferai prévaloir la Constitution française sur les décisions de la Cour de justice de l’UE’

31e mn : Utilisation par l’extrême droite du « principe d’identité constitutionnelle de la France » pour remettre en cause les règles du droit Européen sur notamment les questions migratoires, mais aussi les questions démocratiques.

1.02.15 : la « préférence nationale », mesure inconstitutionnelle (rupture de l’égalité des citoyens devant la loi), au cœur du programme du Rassemblement National

B/ Limitation des compétences des institutions de défense des droits de l’homme.

Réduction du financement et du soutien à ces organismes, lois restreignant les droits civils et les libertés fondamentales au nom de la sécurité, attaques contre les institutions de protection des droits de l’homme qui peuvent entraîner des violations des droits civils, politiques, et sociaux.

C/ Augmentation des pouvoirs de surveillance et de répression peut créer un climat de peur et de contrôle, entravant les libertés individuelles.

Sources :

Dominique Schnapper “Les nouvelles menaces contre la démocratie.” Esprit, vol. 12, 2019, pp. 28-37.

Benoit Challand “Democracy, NGOs and Political Conditionality.” The European Journal of Development Research, vol. 20, no. 2, 2018, pp. 257-273

D/ Lois visant à restreindre la liberté de la presse et le droit à l’information.

Augmentation du contrôle gouvernemental sur les médias publics et privés, harcèlement ou intimidation des journalistes et des médias critiques, restriction de la liberté de la presse

Société Civile et ONG

Lois restrictives sur le fonctionnement des ONG et des associations, réductions des financements et des ressources pour les organisations de la société civile, campagnes de discréditation et de stigmatisation des ONG critiques.

Traitement inégal des personnes

Volonté d’inscrire dans la constitution la préférence nationale : création de catégories de personnes qui n’auront pas les mêmes droits = sortie du champ des droits humains

Sources :

La Croix, 24/03/2019 : “Le Rassemblement National et les associations : entre méfiance et volonté de contrôle.”

“Marine Le Pen s’en prend aux médias ‘subventionnés par l’argent public’.” Le Monde, 17 avril 2017.

7/ Exemples de lois votées en Italie par Georgia Meloni :

A/ Politique économique libérale Macronienne :

Décret travail : déréglementation des contrats à durée déterminée ; extension des vouchers (sorte de chèques emploi) dans le tourisme et l’agriculture, là où le travail au noir et sous-payé est endémique et s’apparente à un esclavage moderne ; réduction des cotisations de sécurité sociale des salariés, sorte de subvention indirecte aux employeurs qui se voient dispenser d’octroyer des augmentations salariales alors que l’inflation atteignait au même moment 8 % ; enfin annulation du revenu de citoyenneté pour les « employables », (sorte de RSA en moins développé) : augmentation de la précarité des populations fragiles

Annonce le 08 aout 2023, puis quasi-suppression le lendemain d’un projet de taxe sur les superprofits bancaires

B/ Restriction des libertés publiques

Loi contre les « Rave » qui passe par la limitation du droit de manifestation

Interdiction faite aux autorités locales de transcrire la filiation d’un enfant né à l’étranger de parents de même sexe : discrimination liée à l’homoparentalité

Volonté de remettre en cause la législation de 2017 qui définit la torture comme un crime à la suite d’un rapport du Conseil de l’Europe ayant pointé, en mars dernier, les nombreux abus commis dans les prisons italiennes…

Passage de « centre de la cinématographie » sous le contrôle direct de l’exécutif

Attaques judiciaires contre les intellectuels et universitaires :

Le 15 mai, la philosophe Donatella Di Cesare comparaîtra elle aussi devant la justice, toujours pour diffamation, à la suite d’une plainte déposée cette fois par le beau-frère de Giorgia Meloni, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Francesco Lollobrigida. Le 18 avril, Donatella Di Cesare était invitée sur le plateau de « diMartedi », sur la chaîne LA7, où elle fut invitée à réagir à des images du ministre commentant la baisse de la démographie italienne et invitant la population à ne pas se résigner au « remplacement ethnique ».

« J’ai dit que le remplacement ethnique était un mythe complotiste, le cœur de l’hitlérisme, du nazisme et par conséquent, j’ai ajouté que le ministre avait parlé comme un Gauleiter, c’est-à-dire comme un gouverneur néo-hitlérien, se souvient la professeure de philosophie à l’université romaine de La Sapienza. C’est une comparaison, un parallèle historique, je n’ai pas dit qu’il en était un mais qu’“il parlait comme”. » L’avocat de Francesco Lollobrigida, qui est le même que celui de Giorgia Meloni, n’a que faire de cette subtilité. Il assigne Donatella Di Cesare en justice.

Le recteur de l’université pour étrangers de Sienne, Tomaso Montanari, a été assigné en justice, toujours par Francesco Lollobrigida, pour avoir dénoncé lui aussi le « remplacement ethnique » tandis que l’historien Davide Conti, auteur du récent ouvrage Les Fascistes contre la démocratie, a été attaqué par la sous-secrétaire à la défense Isabella Rauti, pour un article publié sur son père, Pino Rauti, et ses liens supposés avec un groupe armé d’extrême droite actif pendant les « années de plomb ».

Pressions du gouvernement Italien contre Antonio Scurati, l’auteur des trois romans sur Mussolini « M »

Mise sous contrôle gouvernemental de la RAI (télé publique Italienne)

Libération médiatique généralisée de la parole raciste

C/ Mesures anti-immigration

Décret immigration :  il vise à obliger chaque région à se doter de centres pour les « rapatriements » afin d’accélérer les expulsions. Témoignage : « On enferme les gens comme des prisonniers. On ne sait pas ce qu’il s’y passe, les journalistes ne sont pas admis. On met les personnes sous médicaments pour les laisser dans un état de torpeur. On ne respecte ni le droit des personnes à demander l’asile, ni la durée maximale d’enfermement autorisée »

D/ Mesures anti-avortement

Région des Marches : le budget destiné aux familles a été confié à des association « pro-vie » (anti-avortement) pour empêcher au maximum l’accès à l’avortement.

Incitation pour les médecins et personnels de santé à « l’objection de conscience », qui leur permet de refuser à titre personnel de pratiquer des avortements : Témoignage : « En Vénétie, dans le Piémont, en Basilicate, en Ombrie, en Sicile ou en Sardaigne, le nombre d’objecteurs de conscience dépasse les 50 %, explique Marte Manca. En Basilicate, il n’existe plus qu’un hôpital où il reste possible d’avorter. Dans les Abruzzes ou en Ombrie, seulement deux. »

Vote d’un amendement déposé par le parti Fratelli d’Italia, qui permet aux groupes opposés à l’IVG d’intervenir directement dans les centres de consultation.

E/ Nepotisme

Georgia Meloni a nommé son beau-frère « ministre de la souveraineté alimentaire », sa sœur cheffe de Fratelli d’Italia, son mari à la tête d’une émission télé de la RAI

Nomination à la tête de la Commission antimafia de Chiara Colosimo, aux relations connues avec des membres des Nuclei Armati Rivoluzionari (NAR), organisation terroriste d’extrême droite, responsable entre autres de l’attentat à la gare de Bologne le 2 août 1980 qui a fait 85 morts et plus de 200 blessés ; un attentat dont Giorgia Meloni et les siens nient encore la matrice néofasciste.

Au gouvernement italien, on trouve également Paola Frassinetti, sous-secrétaire d’État au ministère du Mérite et de la formation, qui, en 2017, rendait hommage à Milan aux morts de la RSI (dernier gouvernement fasciste d’Italie : la République de Salo) ; ou Daniela Santanché, ministre du Tourisme, qui déclarait « revendiquer avec orgueil être fasciste », si être fasciste signifie « lutter contre l’hégémonie culturelle de la gauche, expulser les clandestins et les immigrés illégaux », sous les applaudissements du public au son de « Duce, Duce »

Sources :

https://www.mediapart.fr/journal/dossier/international/l-extreme-droite-au-pouvoir-le-cas-italien

https://www.mediapart.fr/journal/international/040823/en-italie-l-extreme-droite-fait-la-guerre-aux-pauvres

https://www.mediapart.fr/journal/international/150424/en-italie-l-extreme-droite-au-pouvoir-attaque-les-intellectuels?utm_source=quotidienne-20240415-192423&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20240415-192423%20%20&M_BT=4822330649193

https://www.mediapart.fr/journal/international/220424/en-italie-la-censure-de-l-ecrivain-antonio-scurati-met-la-rai-sous-pression?utm_source=quotidienne-20240422-174002&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20240422-174002%20%20&M_BT=4822330649193

https://www.vanityfair.it/article/rai-telemeloni-antonio-scurati-giorgia-meloni

https://www.mediapart.fr/journal/international/030524/l-italie-de-meloni-ouvre-les-centres-de-consultation-familiale-aux-anti-avortements?utm_source=quotidienne-20240503-200355&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20240503-200355%20%20&M_BT=4822330649193

7/ Bis Quelques mesures prises ou prévues en France ou ailleurs par l’extrême-droite au sujet de la culture

Privatisation de l’audiovisuel public français

La région Sud a récemment retiré des subventions à deux films jugés « anti-Israéliens » (dont un produit par un réalisateur Israélien)

Les élus du RN ont partout en France pour mandat de s’opposer aux aides pour le cinéma.

Les élus RN locaux dès leur arrivé au pouvoir commencent toujours par s’opposer à des festivals dont la programmation leur déplait.

Bref, volonté d’imposer une pensée unique aux acteurs de la culture

L’exemple Hongrois : Victor Orban réserve les financements à la culture aux « formes artistiques autorisées par l’Etat servant un récit nationaliste ». Interdiction d’une comédie musicale tirée du film « Billy Elliot » pour promotion de l’homosexualité.

Sources :

8/ Aux origines de la montée de l’extrême-droite : la peur

Cette progression concerne le monde entier, même si elle est plus forte en France. Ce qui signifie qu’au-delà des particularités spécifiques à tel ou tel pays, il y a des causes communes à cette progression.

Ces causes sont toutes fondées sur la peur

  • Disparition dans les esprits de perspectives d’un avenir meilleur : Fin des 30 Glorieuses dans les années 70, révolution de la mondialisation des années 80 qui voit le rapport de force se retourner contre les salariés : chômage structurel, transfert de l’industrie des pays développés en Asie, diminution progressive des protections sociales, mise en concurrence des travailleurs entre eux (Europe de l’Est dans l’UE)
  • Prise de conscience des destructions presque irréversibles de notre système économique sur notre planète. L’être humain dominateur de la nature descend de son piédestal
  • Remises en cause des notions de genre (CF chronique sur JK Rowling et PM sur l’intersectionnalité). L’homme comme acteur dominant est remis en cause et les femmes deviennent des menaces
  • Déclin de l’Europe dont la domination n’est plus qu’un lointain passé. Dominé par les Etats-Unis, il se voit maintenant submergé par l’Asie et à nouveau menacé par la Russie

La montée de l’extrême-droite dans le monde entier, c’est le signe d’une peur généralisée face à un monde qui vacille et dont on a le sentiment de perdre le contrôle.

Sources :

Article Nicolas Truong :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/14/ces-ideologues-neoreactionnaires-qui-refusent-l-avenement-du-nouveau-monde_6109413_3232.html

Conclusion : choisir son avenir les yeux ouverts

Derrière les choix politiques, il faut regarder en face les valeurs qu’expriment les partis qui se proposent à nous. Les valeurs fondées sur la peur permanente de l’autre, sur le refus de regarder les réalités en face, sur le recours systématique à des coupables symboliques pour se purger de ses angoisses, nous condamnent à bâtir des sociétés qui s’opposent frontalement à ce que l’espèce humaine a inventé de plus révolutionnaire dans son histoire : les valeurs démocratiques.

Les sociétés dirigées par l’extrême-droite finissent toujours par remettre en cause les principes démocratiques et l’Etat de Droit. Les sociétés dirigées par l’extrême-droite finissent toujours mal.

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